mardi 22 mai 2012

Les cahiers de la discorde

Par Mohamed Benfadil Quatre-vingt deux ans après le fameux «dahir berbère», que le protectorat français avait infructueusement utilisé pour diviser les marocains en vue de continuer à régner sur eux, les «cahiers anti-français» reviennent à la charge! Dans un contexte bien évidemment différent. Mais la comparaison ici n’est pas fortuite car une leçon similaire doit être tirée des nouvelles circonstances pour éviter, la encore, que les marocains ne soient divisés. Ce dahir, imposé au sultan Sidi Mohammed Benyoussef, futur Mohammed V, avait été mis en échec parce que le peuple marocain était, déjà à cette époque, loin d’être dupe et avait donc compris la combine. Arabophones, berbérophones, francophones et hispanophones, mes concitoyens avaient conscience que pour efficacement faire face à l’occupant, transcender la différence linguistique, en plus de s’attacher la monarchie comme ciment indéfectible, était leur seul salut. Ils avaient ainsi, très tôt, consacré le concept d’unité dans la diversité, qui allait avoir le vent en poupe sous d’autres cieux. Alors que les descendants des gaulois, diviseurs communs à volonté, faisaient des malheurs jusque chez nos voisins de l’Est, qui avaient alors mal à leur Djurjura et autres Kabylie! Près d’un siècle donc plus tard, cette exception marocaine ne semble avoir pris la moindre ride. Elle a fonctionné après le 20 février, comme elle avait fonctionné contre le résident général, parce que les marocains sont certes restés fidèles à la monarchie. La question ne se pose même pas. Mais elle a aussi triomphé parce que la patrie qui a su être fière de Tariq Ibn Zyad et de Allal El Fassi sait aussi honorer Tahar Benjelloun et Mohammed Khair-Eddine. Ces enfants illustres du Maroc ne sont pas «arabes» au sens exclusif tu terme. Ils sont amazighophones, arabophones, francophones, hispanophones ou tout cela à la fois. Mais ils sont d’abord marocains et le Maroc a besoin de chacune des composantes culturelles, et donc linguistiques, qu’ils représentent. La nouvelle loi fondamentale du pays a définitivement levé toute ambiguïté là-dessus. Elle a réaffirmé et consacré les fondements de l’identité marocaine plurielle. Comme elle a mis l’accent sur un pacte linguistique refondé sur le pluralisme assumé. Monarchie et identité (linguistique) plurielle, qui ont été les remparts salvateurs ayant soustrait le Maroc aux vents ravageurs du printemps…«arabe», ont ainsi définitivement été consacrées. C’est donc un Maroc pluriel, et non singulièrement «arabe» qui survit à la tempête. Aucun cahier des charges ne viendra remettre en question ces principes constitutionnels. Car aucun cahier des charges ne pourra diviser les Marocains. Les médias publics, comme les médias privés, appartiennent à tous les marocains. Ils doivent donc refléter la diversité et la pluralité culturelles, et donc linguistiques, garanties par la constitution. Y marginaliser une langue aussi importante dans la vie de larges pans de cette société marocaine justement plurielle, simplement parce qu’il se trouve que c’est aussi la langue de Vivendi, est assurément gravement inconstitutionnel! Ces francophones, qui sont aussi des contribuables, ont droit à leurs journaux télévisés et autres programmes des médias dits publics dans cette langue. Car elle n’est plus uniquement celle de Lyautey et de l’occupant qu’il représente. Mais une langue bel bien tombée dans le domaine public au moins depuis Molière. Alors de grâce, ex-confrère, ou Mr. le ministre pour respecter la déontologie journalistique, revoyez ces cahiers de la discorde. Car ceci est une injustice. Et s’il règne de l’injustice, cela ne risque-t-il pas de «faire revenir le printemps…arabe»? La prophétie est en tout cas de votre chef hiérarchique, naguère au parti et maintenant à l’exécutif…

vendredi 20 janvier 2012

Le ciel s’ouvrira-t-il?

Le ciel s’ouvrira-t-il?

Par Mohamed Benfadil
de Washington

La communauté marocaine à l’étranger figure en bonne place dans le programme du cabinet Benkirane défendu, hier jeudi, devant les deux chambres du parlement. Elle y est même érigée en priorité nationale, au même titre, tenez-vous bien, que la sacro-sainte lutte contre la corruption ou encore l’économie de rente ! Un programme cependant vivement critiqué par une opposition qui a hâte de se refaire, on le comprend, une virginité perdue par un exercice du pouvoir globalement infructueux.

Les marocains d’Amérique, comme leurs compatriotes du reste du monde, s’ils n’ont pas besoin besoin de ce gouvernement pour subsister au quotidien dans leur pays d’accueil, s’attendent néanmoins beaucoup à ne plus être traités seulement comme des poules aux œufs d’or. Ils accordent pour le moment, comme beaucoup de leurs compatriotes restés au pays, le bénéfique du doute à l’actuelle majorité. Mais ils revendiquent à cor et à cri notamment leur «droit de vote» in situ en vue d’être en mesure d’éventuellement la sanctionner, si par malheur ses promesses aux expatriés venaient à être déçues. Car le simple vote par procuration, qui les assimilaient jusque là à des «mineurs politiques», est maintenant en principe définitivement révolu.

Les marocains d’Amérique rêvent par ailleurs d’un traitement plus «citoyen» de la part de la compagnie aérienne nationale. Le nouveau gouvernement pourra-t-il se permettre une politique de ciel ouvert à même de garantir un transport plus compétitif et donc moins dissuasif ? Car plus les billets sont abordables, à l’approche de la saison des retours au pays, plus les MRE se bousculeront au portillon et plus les caisses de l’Etat regorgeront de billets verts. A l’inverse, le malheur des uns fera le bonheur des autres! Et beaucoup de mes compatriotes se résigneront au Mac Do et autres Dunkin Donuts pour y noyer leur chagrin! Nul besoin d’être grand clerc en économie pour le comprendre. On le voit donc, même de ce côté-ci de l’Atlantique, la tache du cabinet Benkirane n’est pas près d’être des plus aisées.